Jeunesse de Joseph Fourier
Les ancêtres lointains de Fourier étaient laboureurs dans la région de Lunéville en Lorraine. Plus tard, ils sont devenus artisans tout en se déplaçant peu à peu. Son père était garçon-tailleur à Auxerre, ville qui comptait alors environ 10 000 habitants.
Veuf en 1757, son père, qui avait déjà trois enfants, se remarie deux ans plus tard avec Edmée Germaine Lebègue. Treize enfants sont nés de cette union. Joseph en est le dixième. Il naît le 21 mars 1768. Baptisé Jean-Joseph, il se fera appeler parfois Jean-Baptiste, puis Joseph. Neuf de ses frères sont morts en bas âge. On ne sait pas grand-chose sur la destinée des sept survivants : deux deviendront eux aussi tailleurs, deux combattront dans les armées républicaines ; l'un de ces derniers interviendra plus tard dans les démêlés politiques de Joseph. Mais il semble que Joseph ait perdu ensuite leur trace, malgré ses recherches. On n'a pas retrouvé de correspondance entre lui et ses frères.
A 8 ans, Joseph perd sa mère et, deux ans plus tard, son père. L'organiste d'Auxerre, Joseph Pallais, adepte de Rousseau, accueille Fourier dans le pensionnat qu'il dirige. Il lui apprend à lire. Puis l'orphelin est recueilli par l'Eglise, on ne sait pas bien pourquoi ; peut-être parce qu'il comptait dans ses oncles lointains un religieux remarquable, le bienheureux Pierre Fourier (par la suite canonisé). Toujours est-il que l'évêque prend Joseph en charge et le place dans le collège d'Auxerre, tenu par des bénédictins.
Quelques années plus tôt, Louis XV, voulant élever le niveau intellectuel des officiers – particulièrement bas à l'époque –, avait décidé la création d'écoles militaires dans le royaume, ou, plus souvent, la transformation d'écoles existantes en écoles militaires, où serait dispensé un enseignement classique associé à celui des sciences. Louis XVI poursuivit cette réforme. C'est d'ailleurs dans l'une de ces écoles, celle de Brienne (Aube), que Bonaparte, d'un an plus jeune que Fourier, se formera entre 1779 et 1784. Sur les 12 écoles militaires ainsi créées par l'ancien régime, 10 étaient tenues par les bénédictins.
Le collège d'Auxerre, d'un bon niveau pour l'époque, avait été érigé en école militaire en 1777. Normalement, il était conçu pour les fils de nobles se destinant à la carrière militaire. Des roturiers y sont cependant tolérés, ils sont simplement exclus de certaines disciplines comme l'escrime et la danse. Joseph Fourier est l'un des premiers élèves admis à cette école, comme externe, puis comme pensionnaire gratuit avec les restrictions susdites. L'enseignement est moderne, en ce sens que la part du latin est réduite au profit des sciences ; on y apprend même des langues étrangères, dont l'allemand. La discipline est stricte, mais reste humaine : on vit certes à la dure, on se lave à l'eau froide, on sort par tous les temps, mais il n'y a pas de châtiments corporels.
Joseph y est très bon élève dans toutes les matières. Il a soif de savoir. Dans la journée, il récupère des bouts de chandelle et s'enferme la nuit dans une classe – parfois, paraît-il, dans une armoire – pour lire et étudier. Les mathématiques le passionnent ; il travaille spécialement les traités de géométrie et d'algèbre de Clairaut. Il sait également très bien écrire ; d'après Arago, il aurait même composé à 12 ans des sermons donnés en chaire à Paris par de hauts dignitaires ecclésiastiques. A la fin de sa scolarité, en classe de rhétorique – on est en 1782 et il a 14 ans – il rafle la plupart des premiers prix, même celui de musique, mais il n'obtient aucune citation en sagesse, ni en mémoire...
Comme il est très jeune, il est envoyé parfaire sa formation dans un collège parisien, l'un des plus modestes, celui de Montaigu, pour une seconde année de rhétorique. On ne sait rien sur cette année-là et il ne récolte apparemment pas de prix.
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