Les grands travaux du préfet

Bonaparte avait chargé le préfet Joseph Fourier de deux réalisations exceptionnelles, l'ouverture d'une route vers l'Italie et l'assèchement des marais de Bourgoin.

La route de la Romanche

De Grenoble vers l'Italie, il existait autrefois un itinéraire difficile, réservé aux piétons et aux mulets ; il suivait le lit de la Romanche jusqu'à sa jonction avec le Vénéon, puis escaladait la montagne de Lans en direction de Mont-de-Lans (il subsiste des vestiges de ce chemin en aval de Bons sous le nom de porte romaine). Il était impossible d'y faire passer une armée moderne avec son artillerie et son intendance. Bonaparte voulait une route militaire. Trois projets furent étudiés par Fourier qui se rendit sur place : celui du Lautaret et, bien sûr, l'inévitable variante par la Mure et Gap (on ne refait pas le monde !), jugé beaucoup trop long ; la troisième proposition passait par le nord de la Chartreuse (les Echelles), Chambéry, la Maurienne et le col du Mont-Cenis ; cet itinéraire était soutenu par les chartrousins, dont Crétet qui, originaire de Pont-de-Beauvoisin, était leur porte-parole [il deviendra ministre de l'Intérieur sous l'Empire et, à sa mort en 1809, sera inhumé au Panthéon].

La bataille administrative fut rude, mais, finalement, le projet soutenu par Fourier, bien préparé, fut accepté par Bonaparte en février 1804 : il passait par la vallée de la Romanche, le Lautaret, Briançon et le col du Mont-Genèvre. La construction fut très difficile, comme on s'y attendait ; on sait que cette route suit la Romanche de très près et qu'elle est souvent taillée dans le roc à flanc de montagne avec de nombreux tunnels et des galeries ouvertes. Plus de 400 ouvriers travaillèrent à ce chantier. Fourier les suivit attentivement durant tout son mandat, mais il dut quitter ses fonctions avant l'achèvement de la route.

Les marais de Bourgoin

Le second des grands travaux consista en l'assèchement des marais de Bourgoin. On savait que cette opération améliorerait la qualité de vie dans cette région insalubre et que de riches terres agricoles pourraient être créées à leur place. La région voisine de la Dombes avait les mêmes préoccupations (le film Ridicule de P. Leconte traite de ce sujet). La Dombes était fertile et saine autrefois (du 13e au 18e siècle) quand les étangs étaient entretenus ; c'est la reprise de cet entretien que Ponceludon voulait solliciter auprès de Louis XVI ; il bénéficiait du soutien de ses compatriotes.

C'est un peu différent en ce qui concerne le marais de Bourgoin, la solution préconisée était l'assèchement pur et simple et les habitants y étaient hostiles. Une compagnie hollandaise avait entrepris l'opération à la fin du 17e siècle, mais avait dû l'abandonner. Réfugié à Bourgoin en 1768-70, Rousseau se plaint de l'insalubrité de la région. En 1791, une loi prescrit des travaux d'assainissement, mais reste sans effet. Le préfet Ricard reprend le problème à son compte en 1800 ; il n'a pas le temps de le résoudre. Fourier en hérite et le fait étudier. En particulier, il prend conseil auprès du savant botaniste Dominique Villars, qui enseigne à l'Ecole centrale, nouvellement rouverte. Un décret de 1805 ordonne les travaux et fixe la base des indemnisations. Les habitants sont toujours hostiles dans leur majorité.

Ce chantier extraordinaire qui concernait 40 communes sur 1500 hectares au NE de Bourgoin, exigea 11 années d'efforts avec jusqu'à 600 ouvriers. L'assèchement est terminé en 1812, la pays était assaini et de riches terres cultivables avaient été conquises. Quelques vestiges gallo-romains furent découverts ; Fourier les fit recueillir précieusement (ces marais ne sont pas très loin de sites historiques maintenant notoires, comme Vézeronce, St-Chef, Hières-sur-Amby...).


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