La consécration du savant

L'Académie des sciences avait été dissoute par le roi. Il en recrée une en nommant lui-même ses membres, dont certains appartenaient déjà à l'ancienne société (mais Monge et Carnot sont évincés). Il reste deux postes à pourvoir qui sont soumis au vote. Fourier se présente et entame la série des visites traditionnelles. Il trouve souvent porte close. Cependant, il est élu par 38 voix contre 17, mais Louis XVIII refuse ce verdict (mai 1816). Fourier ne proteste pas, mais se représente l'année suivante ; il est encore réélu et, cette fois, avec 47 voix sur 50. Le roi plie. Arago note à cette occasion : dans notre pays, l'absurde dure peu. On est en mai 1817, Fourier a 49 ans ; ce poste lui apporte une pension.

Il est également élu à la Société philomatique, mais ne participera guère à ses travaux. Il publie dans la revue de cette société de nombreux articles en 1817 et 1818 sur des travaux effectués à Grenoble. Ces articles concernent la chaleur, mais aussi les équations algébriques, son premier pôle d'intérêt. En 1820, il publie une étude sur la chaleur du globe terrestre et la datation de la Terre. Descartes, puis Leibnitz, avaient admis que la Terre avait été autrefois un soleil et qu'elle se refroidissait lentement. Buffon trouve que la chaleur envoyée par le soleil sur la Terre ne serait pas suffisante pour maintenir la vie et qu'il faut admettre un feu central. Il se livre à des expériences sur des sphères chaudes dont il mesure la vitesse de refroidissement. Il en conclut que la Terre est âgée de 75 000 ans. Fourier par le calcul reprend ce schéma (ce modèle, dirait-on maintenant) : en supposant que le feu central ait atteint initialement une température de 500° (celle de fusion du fer ; on croyait alors que c'était une limite), il arrive à une valeur de 150 000 ans. En 1818, il reprend, toujours sans les publier, des études sur la géométrie des parallèles et le postulat d'Euclide.

C'est en 1822 que Joseph Fourier publiera enfin la version définitive de la Théorie de la chaleur.

Il est ensuite candidat au poste de secrétaire de l'Académie, poste libre après la mort de Delambre et qu'il obtient par 38 voix contre 10 à Biot. En 1823, il est élu à l'Académie de médecine, puis à la Royal society de Londres. C'est cette année-là que le physicien danois Oerstedt lui propose une recherche en collaboration sur l'effet Seebeck (thermoélectricité). Les expériences se font chez Oersted qui dispose d'un labo, alors que Fourier n'en a plus. Fourier accepte, mais avec beaucoup de réticence (par modestie) de cosigner la publication résultante.

Fourier continue à travailler au bureau des statistiques, même après son élection à l'Académie. Il publie diverses études statistiques sur la mortalité dans les classes aisées et les classes pauvres, sur l'influence de la vaccine, les causes de l'insalubrité et de mortalité dans les prisons, la distribution des naissances en fonction du mois... A l'Académie, comme secrétaire, c'est lui qui prononce les éloges funèbres ; il s'en tire bien, car il est excellent orateur et en est fier. Dans ses discours, il condamne sans réserve l'époque de la Terreur et ses excès.

En 1826, il est élu à l'Académie française (ce qui provoque de violentes critiques dans certains journaux). En 1929, c'est l'Académie des sciences de St-Pétersbourg qui l'élira membre associé.

Il encouragea d'autres mathématiciens, comme Evariste Galois (1811-1832) et surtout Sophie Germain (1776-1831), seule femme mathématicienne à l'époque (elle travaillait sur les vibrations des membranes élastiques). Il invite régulièrement cette dernière aux séances de l'Académie et lui attribue une place réservée. Sophie a présenté à l'Académie plusieurs mémoires, dont l'un a été couronné (1815). Fourier s'intéressera également à de jeunes savants comme Dirichlet et Ostrogradski, mais on ne peut pas dire qu'il ait eu des élèves.

Il travaille jusqu'à la fin de sa vie à des mesures de coefficients de conductibilité thermique. Il a de plus en plus froid et besoin de chaleur. Son mal ? Rhumatisme pour les uns, fièvre coloniale pour les autres. Tous s'accordent sur la durée de cette maladie : il l'avait déjà à Grenoble. Il en meurt le 16 mai 1830, âgé de 62 ans. Cause officielle de sa mort : un anévrisme au cœur. Il est enterré au Père Lachaise à Paris.


Page précédente Page suivante